[Présidentielle 2022] Devant la CFDT, les candidats exposent leur vision du syndicalisme et du dialogue social

[Présidentielle 2022] Devant la CFDT, les candidats exposent leur vision du syndicalisme et du dialogue social

14.03.2022

Représentants du personnel

Six des douze candidats à la présidentielle ont été invités à s’exprimer par la CFDT le jeudi 10 mars. Voici leurs positions sur le dialogue social, les instances représentatives du personnel et le syndicalisme.

Cet article rend compte des propositions et positions émises durant la matinée organisée par la CFDT, le jeudi 10 mars, par les candidats présents. Ceux-ci ont été invités à s'exprimer sur plusieurs thèmes (modèle social, économie et transition écologique, pouvoir d'achat, conditions de travail, Europe, etc.) mais nous ne retenons ici que les prises de position des candidats sur le syndicalisme, les instances représentatives du personnel (IRP) et la négociation collective (1). 

La position d'Anne Hidalgo

La candidate socialiste Anne Hidalgo, qui a confié avoir adhéré à la CFDT au début de sa carrière comme inspectrice de travail en 1982, a soutenu l’importance de la négociation d’entreprise, l’employeur ne devant pas être à ses yeux le seul maître à bord dans l’entreprise. « Au moment des lois Auroux, certains employeurs accueillaient l’inspectrice que j’étais en disant : « Madame l’inspecteur, pendant que nous discutons, les Japonais, eux, produisent ! ».

50% d'administrateurs salariés dans les conseils d'administration ! 

 

Commentaire de la candidate, qui veut rétablir le CHSCT pour donner aux élus la possibilité d'agir "sur les conditions de travail, le burn out, la charge mentale" : « Je ne crois pas que discuter dans une entreprise, dans une branche ou au niveau interprofessionnel soit du temps perdu. Rien ne peut se faire sans dialogue social. Je crois au rôle des représentants du personnel (..) A travers la codétermination, avec des représentants de salariés représentant 50% des administrateurs, je souhaite que les salariés reprennent leur place dans l’entreprise ». A propos du relèvement à 65 ans de l’âge de départ à la retraite, mesure envisagée par Valérie Pécresse (LR) et Emmanuel Macron, Anne Hidalgo promet de maintenir le départ à 62 ans. La candidate socialiste promet également "d'engager des négociations" de branche sur les salaires. 

La position de Fabien Roussel

Fabien Roussel, le candidat communiste, a fustigé « 5 ans difficiles sur le dialogue social » avec un président « qui a fait le choix de passer au-dessus des syndicats ». Pour Fabien Roussel, il faut rétablir un vrai dialogue : « Si je suis élu, j’abrogerai ces lois (Ndlr : loi travail et ordonnances Macron) qui empêchent les salariés de se défendre ou de proposer d’autres solutions ».  

 Un droit de veto pour garantir la pérennité d'un site industriel

 

Le candidat promet de construire de nouveaux pouvoirs pour les représentants des salariés, via notamment un droit de veto « quand l’actionnaire majoritaire fait des choix pouvant mettre en cause la pérennité industrielle, ou porter atteinte à  la dignité humaine et à l’environnement ». Fabien Roussel insiste sur l’intérêt de voir les comités d’établissements pouvoir défendre des solutions alternatives quant aux choix d’investissements. A propos de l’égalité professionnelle entre femmes et hommes, le communiste n’hésite pas à promettre de nommer un administrateur judiciaire si, au bout d’un an, une entreprise n’a pas remédié aux inégalités salariales injustifiées entre les deux sexes.

La position de Richard Ferrand, pour Emmanuel Macron

On s’en doute : les propos de Richard Ferrand, le président de l’Assemblée nationale qui représentait le candidat Emmanuel Macron, ne sont pas allés dans ce sens radical. « Plus les perspectives de victoire d’un candidat sont faibles, plus ses propositions sont généreuses », a-t-il d’ailleurs ironisé. Interrogé sur la place du syndicalisme en cas de réélection du président sortant, Richard Ferrand a réaffirmé que serait renouvelée la priorité donnée à la négociation collective, « au niveau de l’entreprise et dans les branches »,  ainsi que « l’association des partenaires sociaux aux politiques publiques pour surmonter les grands défis» comme la transition énergétique, l'impact du numérique, l'excellence des compétences. 

 Associer davantage le niveau territorial

 

« Nous avons encore beaucoup à travailler sur la bonne articulation entre la démocratie sociale et la démocratie politique », a-t-il jugé en souhaitant que soit davantage associé à la définition des politiques publiques « le niveau territorial ». Pour « redonner le goût de l’engagement », dans un contexte d’abstention croissante qui « touche aussi les élections professionnelles », Richard Ferrand a évoqué, de façon assez vague, un chantier « des modalités d’engagement et de la modernisation de l’expression du vote » afin de mieux associer et « faire  participer différemment ». Et le porte-parole du candidat Macron de vanter la force du modèle social français face à la crise sanitaire « pour protéger les compétences et les emplois ».

La position de Yannick Jadot

L’écologiste Yannick Jadot a pour sa part insisté sur la « gravité » du choix du projet de société qui sera fait en avril avec la présidentielle. « Nous avons une crise de la démocratie (…) Moi je veux mettre de la démocratie partout, y compris dans les entreprises, car quand les syndicats disparaissent, c’est la démocratie qui disparaît », a lancé le candidat. Dans son projet, a-t-il enchaîné, cela se traduit par « la mise en place de la codétermination à l’allemande » avec 50% de représentants des salariés dans les conseils d’administration ou de surveillance des sociétés de plus de 2 000 salariés, et un tiers sous ce seuil.

Un chèque syndical pour tous les salariés qui le souhaitent 

 

Yannick Jadot promet aussi un chèque syndical « qui permettra à chaque salarié, s’il le désire, de choisir un syndicat », ce qui «renforcera la participation des syndicats à la vie de l’entreprise ».  

Le candidat écologiste veut aussi associer plus largement les syndicats à l’action des pouvoirs publics, son objectif étant de « conditionner l’ensemble des outils de la politique publique à la question du climat, de la justice sociale et de l’égalité femmes hommes dans l’entreprise ». Et Yannick Jadot d’expliquer qu’il compte sur les représentants des salariés dans les entreprises pour contrôler le bon usage des aides aux entreprises, qui représentent un montant de 140 milliards, a-t-il souligné.

La position de Damien Abad, pour Valérie Pécresse

« La place que nous voulons donner aux corps intermédiaires est centrale, et renouvelée ». S’exprimant au nom de Valérie Pécresse (LR), Damien Abad, président du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale, a critiqué la présidence « verticale » du quinquennat Macron. « Aujourd’hui, on a presque honte d’employer les mots « corps intermédiaire », comme si c’était un signe d’immobilisme, de paralysie de l’action (…). Mais ces corps intermédiaires sont utiles et indispensables. Si on les avait davantage écoutés, on n’aurait pas eu le même mouvement des gilets jaunes dans ce quinquennat ».

Nous regarderons d'éventuels ajustements aux ordonnances de 2017 

 

Damien Abad affirme ensuite que le nouvel acte de décentralisation voulu par Valérie Pécresse aura un impact sur le syndicalisme : « Nous voulons un syndicalisme de proximité, territorial, enraciné, aussi bien dans l’entreprise que l’administration. Un syndicalisme qui participe à la mise en œuvre mais aussi à la phase d’élaboration des décisions avec la concertation, même si c’est aux politiques de prendre la décision ».

A propos des ordonnances de 2017, le porte-parole de Valérie Pécresse s’est dit ouvert « à regarder les ajustements à donner » à ces textes, par voie législative ou réglementaire, pour « redonner de la force et de la vitalité » au dialogue social en France.

La position d'Eric Coquerel, pour Jean-Luc Mélenchon

Le programme de Jean-Luc Mélenchon prévoit une VIe République « et il est évident qu’elle doit s’accompagner d’une démocratie sociale plus importante qu’aujourd’hui », a pour sa part indiqué le député Insoumis Eric Coquerel, qui représentait le candidat de l’Union populaire. « Il n’est pas admissible qu’au XXIe siècle, le droit de la plupart des citoyens s’arrête à la porte de l’entreprise », a enchaîné le député. Pour favoriser les droits des salariés et de leurs représentants, « il faut commencer par abroger les lois El Khomri et Pénicaud (Ndlr : ordonnances travail de 2017)». Et Eric Coquerel d’ajouter : « Ce que nous reprochons à la loi Pénicaud, c’est un affaiblissement de la représentation syndicale. La fusion dans le CSE de toutes les instances représentatives du personnel, c’est 33% de moins d’élus syndicaux ». Et on a vu avec la crise du Covid « toute la stupidité » de la mesure de suppression du CHSCT : «Il aurait été bien utile de disposer de cette instance dans les entreprises pendant cette crise. Les salariés ne sont pas les plus mal placés pour savoir quoi faire pour prévenir une maladie au travail » .

Supprimer la possibilité d'accords sans syndicat 

 

Jean-Luc Mélenchon souhaite aussi rétablir la hiérarchie des normes. « Nous ne sommes pas d’accord sur l’idée de faire prévaloir un accord d’entreprise sur un accord de branche voire sur une loi, souligne Eric Coquerel, car nous savons bien que le rapport de forces dans les entreprises n’est pas le plus favorable aux salariés ». La possibilité de signer des accords sans syndicats dans les petites entreprises sera également supprimée, annonce le député. Ce dernier promet également une loi d’amnistie « car nous avons vécu pendant le quinquennat une forme de criminalisation du mouvement syndical ».

Enfin, toujours à propos du rôle du syndicalisme, Eric Coquerel a évoqué un droit de préemption des salariés sur la reprise d’une entreprise en difficulté, un droit de veto suspensif des élus du personnel sur les plans de licenciements, un tiers de représentants des salariés dans toutes les instances dirigeantes des entreprises. Par ailleurs, le député Insoumis a indiqué, en cas de victoire de Jean-Luc Mélenchon, la tenue d’une conférence annuelle sur les salaires, qui serait axée à l’été 2022 « sur la revalorisation de métiers féminisés ».

La conclusion de Laurent Berger, de la CFDT

En conclusion, Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, a remercié les candidats et leurs représentants : « En démocratie, c’est important de savoir écouter, même si certains propos ont pu nous irriter ! » Il a indiqué que son syndicat publiera les réponses complémentaires des candidats aux 40 questions posées par la CFDT (voir ce document de 10 pages ici).

Les corps intermédiaires doivent être respectés 

 

Si le dirigeant syndical précise que la CFDT, « hormis son opposition aux candidats d’extrême droite », ne donnera pas de consigne de vote, Laurent Berger ajoute que son organisation attend du prochain mandat qu’il laisse toute sa place à la démocratie sociale : «Les corps intermédiaires et la société civile doivent être considérés et respectés ».

(1) Tous les candidats n’avaient pas été invités par la CFDT, le syndicat refusant notamment, au nom de ses valeurs, de donner une tribune à l’extrême droite. Pour voir ce débat qui aborde aussi la question du pouvoir d’achat, de la transition écologique et de l’Europe (3 heures !), voici le lien d'accès

 

Les retraites s'invitent dans le débat

La veille du débat organisé par la CFDT, Emmanuel Macron a dit vouloir repousser l'âge de départ à la retraite à 65 ans. La question a donc été abordée par son représentant, Richard Ferrand. Il faut travailler plus pour créer plus de richesses afin de protéger et garantir notre modèle social, et c’est pourquoi nous souhaitons relever à 65 ans l’âge de départ à la retraite, a expliqué le président de l'Assemblée, selon lequel cette réforme touchera les personnes nées à partir de 1969.

"En contrepartie, a ajouté le fidèle d’Emmanuel Macron, nous voulons instaurer une retraite minimum de 1100€, des mesures d’âge évidemment pour tenir compte de la situation physique et psychique des travailleurs aux carrières longues qui ont eu des emplois usants : ces personnes pourront partir à 62 ans (…) Dans ma région, le Finistère intérieur, on connaît la rudesse des tâches, par exemple dans les abattoirs". Si les régimes spéciaux, a dit encore Richard Ferrand, ont vocation à s’éteindre, il ne faut pas s’interdire d’envisager un régime universel pour les nouveaux entrants sur le marché du travail afin de faire converger les droits à la retraite "car nous gardons la conviction qu’un euro cotisé doit rapporter les mêmes droits à retraite pour tous".

Ce report à 65 ans fait aussi partie du programme de Valérie Pécresse, tandis que Jean-Luc Mélenchon et Fabien Roussel plaident au contraire pour le retour de la retraite à 60 ans et Anne Hidalgo pour le maintien du départ à 62 ans.

 

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Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Bernard Domergue
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